Au cours des siècles, le vin s’est transformé en interaction avec les a entes qualitatives et les possibilités d’élabora on. De la vinification en Qvevri de la Géorgie Néolithique aux dernières technologies, de très nombreuses variantes existent et influencent l’expression et la qualité des vins ; mais il est de plus en plus difficile de me re en bouteilles l’ensemble des qualités acquises en vinification.
Cependant, on parle beaucoup du raisin et des vinifications, mais très peu de ce qui se passe après les vinifications, et en particulier sur les choix d’élevage, sur le suivi de la clarification, sur les éventuelles filtrations, sur les collages, sur la préparation globale des vins et sur leur filtration ou non à l’embouteillage. Cet ensemble représente pourtant l’essentiel de la vie du vin (après sa naissance par la vinification), et constitue donc une partie primordiale pour l’expression de la meilleure qualité et de sa stabilité en bouteilles.
Les différentes vinifications, en termes d’extraction, de température, et durée de macération influencent directement et indirectement la quantité et le type de tanin, de polysaccharides, et de particules, dont les micro-organismes. Ces éléments très divers doivent être appréhendés de manière spécifique et très attentive jusqu’à l’embouteillage pour retrouver dans la bouteille l’essentiel des qualités acquises et valorisées.
Au-delà de l’expression aromatique, la vinification des différents cépages en fonction des millésimes par leur diversité, n’ont pas en quantité et en qualité, le même potentiel tanique et en polysaccharides, et ne demandent/exigent pas forcément le même élevage en apport d’oxygène et en clarification. Cependant, si la vinification a pris en compte de plus en plus logiquement le potentiel aromatique et tanique du raisin, elle ne tient que peu compte des polysaccharides extraits en type et en quantité. Ceux-ci interviennent pourtant à de multiples niveaux : dans la partie aromatique, contribuant à une plus ou moins bonne expression et stabilité (extraits aussi lors de l’élevage sur lies) ; dans la structure sur la densité, le « gras-rondeur » et l’équilibre ; dans l’évolution globale et dans la stabilité de la matière colorante et tartrique, en fonction de leur conservation ou élimination. Dans ce sens, on a beaucoup parlé (dont D. Dubourdieu) du glucane de Botrytis, et des mannoprotéines du raisin ou des levures (soit produites en vinification ou issues de leur membrane). On connait un peu ceux qui composent la gomme arabique, qui est parfois utilisée pour améliorer la stabilité de matière colorante ou tartrique, voire donner une certaine « sucrosité ». Mais il existe une multitude de polysaccharides (et oligosaccharides) très peu étudiés et qui pourtant jouent un rôle dans l’équilibre colloïdal globale du vin, dans la plus ou moins bonne clarification/préparation à la filtration et à la mise en bouteilles. Si on poursuit sur la partie couleur et tanin, il est surprenant que l’on ne s’intéresse qu’aux anthocyanes et tanins extraits, et pas à ceux qui sont conservés et finalement mis en bouteilles ; peu de personnes par exemple suivent l’évolution de la couleur et de sa stabilité ?
Par ailleurs, les particules des vins sont un ensemble hétérogène comprenant : des micro-organismes, bons, neutres ou mauvais ; des résidus végétaux de la pulpe (pectine) et de la pellicule (bons si bonne maturité et/ou mauvais si maturité pas suffisante ou altérée) ; des amas colloïdaux souvent formés à base de tanins, de polysaccharides et éventuellement de microcristaux de bitartrate de potassium. Ces particules doivent être éliminées et la seule gravité ne peut pas toujours y parvenir. Il y aura donc des choix fondamentaux à faire, pour obtenir cette clarification avec malheureusement parfois des conséquences collatérales.
De plus, au-delà des éventuelles déviations de micro-organismes néfastes, les particules s’associent en précipitant et forment des agglomérats avec de la matière tanique et des polysaccharides, que l’on retrouve dans les lies, et qui sont pour les vins rouges, de couleur rouge à noirâtre et taniques !... Preuve d’une fraction qui ne se retrouvera pas en bouteilles. Ainsi, on a pu observer sur certains millésimes, même dans les plus récents, des pertes de couleur pouvant aller au-delà de 30%, et des baisses de tanins jusqu’à 20% ; et certaines filtrations, mal préparées ou mal conduites, peuvent éliminer plus de 50% de polysaccharides…Quelle est alors la qualité du vin en bouteilles par rapport à la qualité initiale ?...certainement pas la même !
On sait depuis très longtemps que le vin nécessite un certain « élevage » (dont les négociants dit « éleveurs », étaient pendant longtemps les garants, des vins simples jusqu’aux 1ier Crus Classés) pour évoluer non seulement aromatiquement, mais surtout pour améliorer et stabiliser sa structure tanique (même pour les vins blancs) et stabiliser sa composition colloïdale. Par exemple, l’élevage en barriques est un des éléments utilisés, mais il n’est pas le seul, et peut ne pas être suffisant, en fonction de la richesse initiale du vin. De plus, le gaz carbonique généré par la fermentation est un perturbateur de clarification et de stabilisation naturelle, et s’élimine d’autant moins que le vin est globalement riche. En conséquence, on retrouve malheureusement de plus en plus de gaz carbonique dans les vins rouges, perturbant largement leur appréciation.
Ainsi, on sait empiriquement que plus un vin est mis rapidement en bouteilles, plus sa perspective de vieillissement est faible. On peut aussi caractériser que plus l’élevage est mal adapté, plus la stabilité des qualités acquises est diminuée. Et enfin, que plus les filtrations s’effectuent sur des vins non suffisamment clarifiés naturellement et préparés, plus les conséquences négatives seront importantes : aromatiquement, dans la densité, l’équilibre et la persistance (étude CA33, HRC, IFV – 2015-2017).
Ainsi, il est fondamental pour chaque vin, au-delà des approches et réflexion sur la maturité (millésime) et/ou de la vinification par de nouvelles techniques, de comprendre et d’appréhender les changements et les conséquences sur la composition du vin, et donc de la nécessité d’adapter l’élevage : en apport d’oxygène, en suivi de la clarification, en décarbonication, en stabilisation de matière phénolique (collage) et éventuellement en stabilisation tartrique. Tous ces éléments contribuent à la plus ou moins bonne conservation des qualités initiales et à la meilleure évolution en bouteilles.
S’il est aujourd’hui assez facile de faire de bonnes vinifications, il est beaucoup plus difficile d’appréhender la multitude d’éléments durant l’élevage, pour avoir le meilleur vin stable, la bonne préparation à son embouteillage pour avoir le vin à l'identique de son origine, et sa meilleure évolution en bouteilles.
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