Dégustez les meilleurs vins avec les personnes que vous préférez. Vous remplacez alors l’épate par l’extase : elle convient mieux à Monseigneur le Vin. Honorons sa longévité, son authenticité. Rendons hommage à son plus grand talent : renforcer notre désir d’aimer, toujours plus et mieux, ce(ux) que l’on choisit.
Le propos de ce lexique parodique est de souligner faiblesses et qualités humaines pour mieux mettre en avant la grandeur du vin. En recherchant des familles de correspondances dont vous trouverez quelques déclinaisons au fil des pages, nous prenons conscience que nous sommes peu de chose, et si le vin n’était pas là, nous serions encore plus petits et beaucoup moins joyeux.
Accueillons et découvrons le secret qu’Azélina nous dévoile : comment obtenir le meilleur « accord homme-vin » pour mieux profiter de la vie !
Le Livre
Azélina Jaboulet-Vercherre nous offre un livre placé sous le signe du plaisir : plaisir de partager, plaisir de séduire, plaisir de jouer, de deviner ou encore de comprendre. Dans son avant-propos, elle précise son intention.
« La perception sensorielle est propre à chacun. Bien que pratiquement inaliénable, elle s’épanouit lorsqu’on la partage. Personnalisez un vin : en trouvant son buveur idéal, vous saluerez ses particularités, la grandeur de son terroir, le cœur mis à l’ouvrage. Vous pourriez penser que c’est impossible, dénué de sens comme de science, outrancier – et vous auriez raison. Mais le vin et la raison ne forment pas un couple harmonieux.
Comment obtenir le meilleur « accord homme-vin » ? En recherchant des familles de correspondances, dont vous trouverez quelques déclinaisons dans ce livre. Pour offrir du vin à quelqu’un, il est pertinent de connaître leurs saveurs respectives. Vous pourrez ensuite élaborer vos propres accords, puis les adapter au degré de sophistication souhaité. »
Par ce livre dénué de toute prétention scientifique, elle choisit de nous présenter un bouquet de personnages dont elle avoue la nature aléatoire. Son propos est de stigmatiser les caractères humains pour mettre en avant la grandeur du vin. Ce qui lui permet d’affirmer : « Nous sommes peu de chose, et si le vin n’était pas là, nous serions encore plus petits et beaucoup moins joyeux. »
Un livre à consommer sans modération par tous les amoureux du vin qui cherchent un plaisir partagé dans la dégustation.
L’auteur
Azélina Jaboulet-Vercherre est docteur en histoire (Yale, USA), et titulaire d’un quadruple cursus (histoire de l’art, archéologie, littérature, histoire). Cette pluridisciplinarité donne à ses cours et conférences dispensés à travers le monde une envergure unique. Elle est notamment professeur à Sciences Po (Paris, Summer School), qui l’a mandatée pour créer la « Sciences Po Wine School ». Son approche novatrice du vin se distingue de toute mode : elle met l’accent sur l’harmonie entre vin, art, musique, émotion et sentiments.
Extraits
L’esprit solitaire
« Il sait boire seul et dignement. Il ne s’embarrasse pas. Il refuse cet autoritarisme dictant une obligation de compagnie lors de l’ouverture de la moindre bouteille. Lorsqu’il est accompagné, c’est nécessairement par quelqu’un qu’il a trié sur le volet – comme il le fait pour ses vins. Tout compte : robe, saveur, longueur, souvenir – et orthographe. Il considérera son retrait du monde avec satisfaction lorsqu’il aura à sa portée un ermitage du Pic Saint Loup (cuvée Sainte Agnès, Languedoc), assemblage harmonieux et enjoué de cinq cépages (roussanne, clairette, grenache blanc et gris, marsanne). Franchise, fraîcheur, gamme aromatique ample et équilibrée – ce vin se suffit à lui- même. Notons ici que le cépage marsanne est nommé ermitage en Suisse (Valais) et white hermitage en Australie.
Si vous voulez lui rendre son « h », un hermitage (Jean- Louis Chave), noble expression d’une lignée historique du Rhône viticole.
Il existe aussi un domaine au nom prédestiné pour ce personnage : le Domaine de la Solitude. Le solide assemblage rouge de son châteauneuf-du-pape devrait le combler. Il le partagera agréablement avec... lui-même. »
L’écrivain
« Les écrivains boivent (pardon de cette tautologie), c’est consubstantiel à leur activité : la vigne suggère ; le vin inspire.
Les écrivains peuvent, dans les laps de temps accordés à autre chose qu’à leur plume, s’ouvrir à tous types de paysages œnophiles : meilleur sera le vin, plus belle la prose du lendemain.
Que les festivités soient initiées par une flûte de champagne Larmandier-Bernier, cuvée Vieilles vignes du Levant (grand cru extra brut), en particulier si son style est ample et majestueux. S’il est soucieux de pureté, recherche un phrasé vif, il préférera certainement la cuvée Latitude de cette même maison de Vertus.
Un jasnières d’Éric Nicolas, cuvée Calligramme (Domaine de Bellivière, Loire). Frais et vivace, il saura stimuler sa créativité.
Enfin, et pas seulement pour son nom, l’assemblage syrah-grenache du Domaine de la Prose (Languedoc) l’aidera à prendre un recul propice à la mise en perspective de la fiction et du réel.
Le magicien
On en connaît deux catégories principales : ceux qui font des tours inattendus, fugaces et de peu de portée, et ceux qui transforment, révèlent. Parmi la seconde catégorie comptent certains amants d’exception (les plus chanceuses d’entre nous peuvent les compter sur les doigts d’une main ; les vraiment très veinardes n’en connaissent qu’un. Elles le chérissent aussi exclusivement qu’intensément).
Un vouvray pétillant (Domaine du Clos Naudin, Philippe Foreau, Loire), découvert à l’aveugle – c’est ainsi qu’il reçoit les meilleurs suffrages. C’est l’anti-vin-étiquette : chenin pur et puissant, il ravit en toute simplicité. Complexe (c’est un compliment) et gourmand, il rend la vie plus belle. La magie réside dans la vérité que ce vin dispose à recevoir.
La suite, de velours rouge vêtue, pourrait avoir la robe d’un clos-vougeot grand cru (Domaine Chauvenet-Chopin, Bourgogne). Sa saveur, puissante et tendre, résonnera dans vos corps tout entiers. Sa longueur en bouche annoncera délicieusement la persistance de ce moment dans vos mémoires. Puissiez-vous en éprouver les sensations de concert.
La gourde
Elle emprunte des caractéristiques au cocu ; du reste, elle le devient souvent. Elle se plaît à répéter que le jour de son mariage fut le plus beau de sa vie. Pour ceux qui suivent, elle n’a pas de grand projet, ni par fainéantise ni par crainte : elle se contente de ne pas y penser. Elle pense peu en général. L’ivresse a sur elle des effets contradictoires : soit un réveil qui la rend rigolote, soit un engourdissement qui la rend muette (ce qui est parfois mieux que neuneu).
Un champagne brut nature nommé Antédiluvien (Vincent Métivier) l’aidera à se détendre – et donc à limiter ses bourdes. Élaboré à Gland (France), il contient zéro dosage. Sa mascotte, le mammouth, lui donnera à imaginer l’abominable homme des neiges et, si possible, à mesurer la portée de ses gestes.
Si elle ne crie pas d’effroi, continuez avec un rioja Ganko d’Olivier Rivière (Espagne). Il devrait la secouer, comme un beau latino bronzé croisé dans un rez-de-chaussée d’immeuble un soir d’hiver.
Si elle reste cruche dans la griserie, balancez une insulte aromatisée nommée fragolino ou very pom’ avant de la quitter définitivement pour rejoindre compagnie plus amusante – même si ce spécimen peut divertir, à ses dépens.
L’impatiente
« À en vouloir toujours plus, toujours plus vite, elle passe souvent à côté de l’essentiel, se prive de volupté en favorisant les satisfactions faciles. Cette manie l’empêche de dépasser le premier degré de l’oralité – et donc d’arriver à la délectation. Elle ignore tout des vertus de l’attente et de la persévérance. Elle peine à aller au bout de ses envies, pressée par des urgences injustifiées.
Laissez-la exprimer sa pétulance avec des bulles pour commencer : un crémant d’Alsace (brut nature, Dirler-Cadé).
Rappelez-lui que sans patience, pas de dégustation intéressante. Un chasselas de Raymond Pacco (cuvée Le Brez, Domaine La Colombe, Suisse), lui apportera de la tonicité. Aérien, précis, fidèle au terroir qui le porte, ce vin a des atouts susceptibles de l’inciter à prendre le temps, sinon de vivre, au moins d’apprécier cet instant privilégié de la dégustation d’un vin cristallin.
Achevez de la convaincre de la majesté de la Nature en lui versant un verre de la cuvée Avec le temps (Domaine du Bout du Monde, Côtes du Roussillon) : du pur carignan non filtré. Quelques gorgées de plaisir pour que le temps suspende sa course.
Si elle n’est pas calmée après tout cela, peut-être a-t-elle un problème psychiatrique insoluble dans le vin. »
La sensuelle
« Elle peut l’être naturellement ou cultiver cet attrait. Chacun de ses gestes est une invitation au fantasme. Son regard sent la chair déployée ; ses mains semblent prêtes à caresser un corps tout entier ; sa voix coule comme un phallus en fin d’extase ; ses courbes sont une incitation à la lecture active du Kâma-Sûtra.
Offrez-lui un champagne Joseph Perrier, cuvée Joséphine, qui lui donnera l’impression de sucer un bonbon. Richesse, volupté, délicatesse : ce vin confirme que toutes les bulles ne se valent pas. Ladite cuvée, suave et précieuse, accompagnera harmonieusement une rencontre rare.
Félicitez-la de vous rendre aussi lubrique avec une malvoisie valaisanne (Gérard Raymond, Saillon).
Enfin, un noble spécimen de la Ribera del Duero (Vega Sicilia, Espagne), s’il faut l’inciter à trouver la plus belle expression de votre plaisir. »
Site Web : www.feret.com