Six ans après les premières, les 2ème Rencontres Ampélographiques se sont déroulées les 12 et 13 septembre 2016 dans le cadre magnifique du Monastère de Saint-Mont dans le Gers. Ces échanges ont permis d’alterner conférences d’experts, tables rondes, visites .....
... de parcelles emblématiques de Saint-Mont (vignes préphylloxériques, conservatoire ampélographique, parcelle de la Madeleine) dégustation de microvignification et moments de convivialité. L’occasion de faire le point sur les dernières avancées dans la recherche et le développement des cépages du piémont pyrénéen et d’ouvrir le débat sur les questions de diversité, d’engagement environnemental et sociétal.
Pour Olivier Bourdet-Pees, Directeur général de Plaimont Producteurs, ces rencontres permettent de « parler avec des amis venus d’ailleurs et dont les travaux nous inspirent ».
Pour lancer ces rencontres, André Dubosc, pionnier de cette démarche, a rendu hommage au collectif des vignerons des trois coopératives fondatrices (PLaisance du Gers, AIgnan, Saint-MONT), qui ont uni leurs forces dans les années 70 pour relancer une production de qualité et préserver « les vignes témoins de notre histoire ». Il ne s’agissait pas uniquement de retrouver les cépages inconnus, abandonnés à la suite des attaques du phylloxéra mais de conserver l’ensemble de la biodiversité du Piémont pyrénéen. Pour aller plus loin, les vignerons de Saint Mont ont décidé d’exploiter ce patrimoine génétique exceptionnel pour renforcer la typicité de leur production et valoriser leurs terroirs.
Jean-Michel Boursiquot, professeur en ampélographie à l’INRA Montpellier SupAgro, a ouvert les débats, animés par David Cobbold, sur le thème de la biodiversité de la vigne. La biodiversité peut être analysée dans une approche systémique, qui englobe l’écologie, la faune, la flore et la microbiologie. Jean-Michel Boursiquot a présenté comme champs d’étude la vigne en considérant les variétés, les clones, les porte-greffes, les apports de la génétique des mutations et des sélections, ....
Cette approche systémique vise à définir, évaluer et mesurer scientifiquement cette biodiversité pour mieux la préserver.
Laurent Audeguin, de l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) s’est intéressé aux inscriptions des nouveaux cépages au Catalogue Officiel et sur les opportunités qu’elles offrent aux vignerons..
En 2006, 68 nouvelles variétés ont été inscrites et correspondent à des cépages d’origine étrangère, des créations variétales mais surtout des cépages historiques et patrimoniaux Ces nouveaux ou « nouveaux ancien » cépages permettent de s’adapter aux changements climatiques, de préserver le patrimoine et/ou de répondre à un marché de niche. Les démarches patrimoniales sont parfois opportunistes, comme pour le Plan de Brunel ou le Couston en Ardèche. Elles sont aussi portées par des collectifs avec en premier exemple, les vignerons de Saint Mont, mais aussi de Charentes et de Savoie.
Lors des 1ère Rencontres Ampélographiques en 2010, Thierry Lacombe, de l’INRA Montpellier Supagro, a étudié l’origine des cépages du Sud-Ouest. Il s’est attaché cette fois-ci à leur diffusion. Parmi les 6000 cépages recensés à travers le monde, 1200 sont employés pour produire du vin (raisin de cuve) dont 237 sont présents en France et 26 % sont originaires du Sud-Ouest. Alors que ces cépages pyrénéens représentent un tiers de l’encépagement français, certains d’entre eux occupent les premières places au rang mondial : Cabernet sauvignon, Merlot, Sauvignon blanc, Cabernet franc, Malbec, Sémillon, Petit Verdot, Tannat. Deux phénomènes sont à l’origine de la diffusion de ces cépages.
Ils se sont directement acclimatés à la région d’accueil ou ils sont les géniteurs de nouveaux cépages nés dans des contrées lointaines (216 descendants recensés à ce jour). Leur diffusion a eu lieu vers les Charentes puis en Val de Loire en particulier pour le Cabernet franc qu’on retrouvera plus tard vers en Languedoc au côté du Petit Manseng ou de la Carménère. Trente-trois de ces cépages ont voyagé avant tout vers l’Amérique du Sud, mais également vers la Californie, l’Afrique du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et même la Chine et le Japon. Les cépages du Sud-Ouest ont ainsi apporté une contribution majeure au vignoble mondial puisqu’ils représentent presque 20 % de l’encépagement.
Olivier Yobregat, de l’IFV, s’est penché sur le patrimoine ampélographique de Saint-Mont en évoquant les moments clés de l’Histoire de ce territoire. Jean-Paul Houbart, premier technicien viticole de l’appellation Saint Mont, a lancé des repérages ampélographiques dès les années 70 en s’entourant des plus grands experts. Le premier conservatoire a été créé en 1997 puis un second a été mis en place en 2002. Il rassemble 37 cépages dont 12 cépages originaux inconnus et une lambrusque véritable (Vitis vinifera ssp. Sylvestris). Jusqu’en 2008, le comportement viticole de ces cépages a été observé (précocité, sensibilité aux maladies, rendement, etc.), puis des microvinifications ont été effectuées pour apprécier le potentiel œnologique de ces cépages. L’objectif est d’étudier leurs capacités viticoles et œnologiques afin de relancer la production des cépages adaptés à nos attentes d’aujourd’hui (aromatique, degrés d’alcool modérés, fraîcheur et digestibilité).
C’est ainsi qu’avec l’analyse aromatique et la dégustation par un jury d’experts, une première évidence est apparue : le Manseng noir. A partir d’un pied retrouvé dans une vieille parcelle, 20 pieds ont été introduits au conservatoire. En 2012 une première parcelle de 80 ares a été plantée. Ce travail de redécouverte du Manseng noir a donné naissance à la cuvée Moonseng de Plaimont Producteurs, commercialisée depuis le millésime 2014. En 2015, 9 nouveaux cépages ont été plantés sur une parcelle expérimentale, en particulier le Morenoa, le Negret de Banhars, le Chacoli et les plants de Dubosc 1 et 2. Ce nouvel outil permettra d’apprécier ces cépages pour valoriser les plus prometteurs.
Dans la parcelle historique de Sarragachies, une souche de Pinenc (ou Fer servadou) a été isolée et évaluée dans l’objectif de produire des vins rouges d’une grande concentration aromatique. D’autres pistes ont également été lancées sur un Sauvignon blanc caractérisé par ses arômes de fruits exacerbés ainsi que sur des variétés de Tannat, qui représentent 60% de l’encépagement de Saint-Mont. Depuis 2013, plus d’une quinzaine de pieds de lambrusque ont été identifiés sur le territoire gascon et au cœur de l’appellation Saint Mont, témoignage de la présence de longue date de la vigne sur ces zones préservées.
Invités de ces 2 ème Rencontres Ampélographiques de Saint Mont, Nicolas Gonin du Centre d’Ampélographie Alpine Pierre Galet et Sébastien Julliard du Conservatoire du Vignoble Charentais ont présenté leurs travaux ampélographiques respectifs dont le but est de sauvegarder, de promouvoir le patrimoine végétal local ces deux régions et de développer son devenir. Les démarches sont très proches. Il y a eu, en premier lieu, la redécouverte des cépages identitaires comme le Servagnin, le Bia et le Chichaud en Savoie. Puis la création d’un conservatoire dans chacune des régions où des essais et des microvignifications ont été fait sur différentes variétés. Le Persan, planté sur 200 hectares dans les années 50, avait quasiment disparu dans les années 80. Aujourd’hui, il a été replanté sur 20 hectares car il présente un bon potentiel de garde et une belle acidité que les vignerons souhaitent exploiter. Suite à ces conférences, la visite des vignes de Sarragachies inscrites aux Monuments Historiques, plantée au début du 19ème siècle et rassemblant 21 cépages différents a permis de se rendre compte de la riche biodiversité de cette parcelle de l’appellation Saint Mont.
La soirée s’est poursuivie avec des dégustations de microvinifications issues du conservatoire ampélographique de Saint Mont, des vins de Savoie de Charentes ainsi que des appellations locales, IGP Côtes de Gascogne (dont Moonseng !), Madiran, Pacherenc du Vic-Bilh et Saint Mont avec une verticale de Château de Sabazan.
La deuxième journée, mardi 13 septembre, a débuté par les visites du conservatoire ampélographique de Saint Mont et de la parcelle de la Madeleine plantée à la fin du 19ème siècle en Noah et surgreffée en Tannat. Tous les participants se sont ensuite rendus à Marciac pour une table ronde où ils ont été accueillis par Jean-Louis Guilhaumon, Vice-président de la région Occitanie et Président du festival Jazz in Marciac.
Cette table ronde, animée par David Cobbold, qui s’est penchée sur « les perspectives de recherche et développement autour du patrimoine végétal viticole dans le contexte actuel ». Les débats et échanges se sont attachés à ouvrir les perspectives de recherche et développement autour des cépages patrimoniaux identifiés et préservés par les vignerons de Saint Mont. Fort de leur engagement dans la biodiversité végétale associée à la vigne, initié dès les années 1990 et concrétisé en 2002 avec la création du conservatoire de Saint Mont, les vignerons de Saint Mont se distinguent par les dernières avancées de leurs travaux. Les enjeux sont aujourd'hui de confronter le potentiel de ces cépages aux attentes des consommateurs (dans la perspective de développer de nouvelles cuvées) mais également d'engager les démarches de reconnaissance de ces derniers auprès des instances régulatrice du vignoble.
Un travail de longue haleine s'annonce, composé d’étapes progressives pour la reconnaissance de ces cépages. Les premières étapes sont l’inscription au Catalogue officiel et le classement de ces variétés. Cette procédure est régie par France Agrimer et le CTPS, une instance consultative composée de représentants ministériels, experts scientifiques et représentants de la filière viti-vinicole. Pour valider cette inscription les organismes se basent sur des travaux de documentation et de vinification qui justifient le potentiel évolutif et aromatique de ces cépages. Les étapes suivantes se font sous le contrôle de l’INAO qui régule l’admission de ces cépages dans les statuts d'une appellation en lien avec les représentants de l’ODG (Organisme de Défense et de Gestion). Leur mission est de justifier l'intérêt de l'intégration d’un cépage dans l'élaboration du vin d'appellation en conservant les spécificités de cette dernière.
Les vignerons de Plaimont Producteurs aujourd’hui s’engagent sur des pistes de réflexion qui font face aux nouveaux enjeux viticoles :
- S’adapter aux évolutions des conditions climatiques,
- S’engager dans la limitation des pesticides,
- Répondre aux attentes des consommateurs.
Ces défis portés collectivement sont déterminant dans le devenir des appellations.