Les classements des vins, il faut le dire, sont un véritable casse-tête et tous les connaisseurs savent que la place de Bordeaux est un haut lieu des esclandres et des « je t’aime, moi non plus » entre les Châteaux et les classements. Les vins de Saint-Émilion sont depuis quelque temps au cœur d’une bataille qui vient d’accoucher d’un coup de tonnerre.
La désertion de Cheval Blanc et du Château Ausone
Les superlatifs manquent. Lorsque nous avons appris que les deux châteaux n’étaient pas candidats au futur classement de Saint-Émilion de la récolte 2022, ce fut un choc aussi retentissant que si Ferrari et Mercedes quittaient le plateau de Formule 1 parce que le nouveau règlement ne les satisfaisait pas. On vous explique avec un peu de recul les tenants et les aboutissants.
Il faut savoir que, tous les 10 ans, le classement des vins du Saint-Émilion est revu et corrigé afin d’encourager le travail et l’investissement des viticulteurs, tout en mettant une pression sur les mieux classés pour garantir l’excellence reconnue de l’appellation. Dans d’autres appellations comme le Grave, le Médoc et le Sauternes, le classement des vins est aussi intouchable que les tables de Loi de Moise, ce qui est aussi source de chamaillerie.
Des critères pas assez focalisés sur le vin ?
On sait que tous les 10 ans, une nouvelle bataille d'influence va se mener sur la place de Saint-Emilion. Pour ce classement, les nouveaux critères laissaient penser qu'il y allait avoir du sport, mais de là à imaginer que deux des plus prestigieux vins du Bordelais, premiers grands crus classés A, allaient tout simplement décider de ne pas s'inscrire et de facto de disparaître du classement... Les explications des deux châteaux vont dans le même sens : les critères ne sont pas acceptables. Pour le Château Ausone, Pauline Vauthier s'insurgeait contre l'importance trop minime donnée à la partie terroir et dégustation quand Pierre Lurton, directeur du Cheval Blanc, dénonçait lui aussi la place laissée au terroir du vin et de l'histoire. Il faut dire que les nouveaux critères peuvent laisser songeur : les réseaux sociaux, l'œnotourisme, la réception des visiteurs ou la renommée et la qualité des vins sur les 12 dernières années.
En d'autres termes, les deux châteaux craignaient-ils le déclassement ?
La question se pose puisqu'on ne voit pas l'intérêt de quitter un classement lorsqu'on est dans le haut du panier avec simplement deux autres châteaux dans la catégorie la plus haute.
L'autre possibilité, c'est que ces deux châteaux pensent être des marques plus fortes que le classement des Saint-Émilion et que c'est tout simplement un choix d'entreprise. Il faut savoir que seulement 1 300 hectares sur les 5 400 de Saint-Émilion sont présents dans le classement. Est-ce que ce départ théâtral sera fatal à un classement de plus en plus décrié et qui sera même sous les feux de la justice prochainement ? L'avenir nous le dira, mais perdre ces deux champions, ce n'est jamais une bonne chose.
